Les chalazions sont des complications fréquentes des dysfonctionnement des glandes de meibomus
Le Chalazion en ophtalmologie libérale : traiter et aller plus loin.
Le chalazion est une pathologie banale en ophtalmologie libérale, souvent considérée à tort comme bénigne, sa prise en charge doit bénéficier des récentes avancées dans la connaissance et le traitement des pathologies liées aux dysfonctionnement des glandes de Meibomus.
Introduction
Le chalazion est une lésion granulomateuse dont l’origine est une inflammation d’une ou plusieurs glande de Meibomus (1,2) en cas de localisation profonde ou de glandes de Zeiss en cas de chalazions plus superficiels situés sur le bord libre.
Diagnostic et évolution
Le diagnostic étant essentiellement clinique, une attention particulière doit être portée à l’interrogatoire et au contexte de survenu. Il débute souvent par une tuméfaction indolore de la paupière qui s’accompagne d’un prurit ou d’une sensation de corps étranger. L’évolution peut se faire brutalement vers une amplification des signes inflammatoires avec apparition de douleurs et de signes de surinfection. Le patient évoque fréquemment une survenue dans un contexte de fatigue, de stress, un séjour dans un environnement poussiéreux ou une réduction prolongée de la fréquence de clignement des paupières ( travail sur écran, conduite de véhicule).
En cas de lésion localisée survenant de manière récurrente on doit évoquer un carcinome sébacé ( age >70 ans, résistance au traitement, désorganisation des éléments sébacés, infiltration conjonctivale ) et selon le contexte on recherchera des signes de tuberculose et de leishmaniose.
La meibographie (Fig 1 et Fig 2) révèle souvent une atteinte de plusieurs glandes, plus étendue que le laisse penser l’examen clinique (4). Elle témoigne également de précédentes atteintes en faveur d’une pathologie chronique. Elle joue un rôle essentiel dans la compréhension par le patient de sa pathologie et l’observance des règles d’hygiène des paupières qui en découle.
La palpation lors de l’examen à la lampe à fente retrouve fréquemment un point douloureux localisé au niveau de glandes de meibomus obstruées. On recherchera également des signes de dysfonctionnement de glandes de Meibomus (DGM), d’inflammation des bords libres et d’infestation par démodex (3). Dans les formes débutantes et de bon pronostic, la pression sur le kyste permet l’issue de sécrétions par l’orifice glandulaire.
La fréquence élevée de survenue de ces épisodes inflammatoires doit orienter le patient vers une prise en charge plus globale des DGM.
Les complications de cette pathologie sont rares, on a décrit des risques de cellulite orbitaire en cas de surinfection peut être favorisée par une manipulation du chalazion, les plus volumineux principalement situés en paupière supérieure peuvent induire un astigmatisme par la pression exercée sur la surface cornéenne (5).
Sans traitement seulement 25% des chalazions semblent évoluer vers la guérison (8,9), l’évolution sous traitement médical est en général plus favorable, avec dans plus de 50 % des cas disparition du kyste inflammatoire et du préjudice esthétique. Cependant l’analyse en lumière infra rouge des glandes de meibomus met en évidence une destruction systématique d’une ou plusieurs glandes en cas de chalazion. La répétition de ces événements conduit alors à une diminution de la capacité de production de la composante lipidique du film lacrymal qui aggrave la sécheresse oculaire souvent déjà présente chez des patients atteints de blépharite chronique.
Fig 1 chalazion unique responsable de la destruction de 3 glandes de meibomus. Fig 2 Chalazion récent central, anciennes lésions bien visible responsables d’une déstructuration de l’ensemble des glandes de meibomus.
Prise en charge thérapeutique :
-Soins des paupières et exercices de clignements
Il s’agit d’une composante essentielle du traitement, l’application de chaleur de préférence humide sur les lésions doit être associée à un massage dans le sens des glandes. Ce massage doit être effectué jusqu’à la disparition complète du kyste, il peut être recommandé de le poursuivre en cas de chalazions récurrents. Si l’interrogatoire ou l’examen du clignement par Lipiview ont fait apparaitre un défaut dans la fréquence ou la qualité du clignement palpébral des exercices de clignements volontaires peuvent être utiles.
-Traitement médical
Le granulome étant généralement aseptique le traitement repose sur une corticothérapie locale souvent associée à une antibiothérapie. La corticothérapie est limitée dans le temps et une surveillance de la tension intra oculaire doit être réalisée. L’antibiothérapie locale de choix pourrait être l’azythromycine du fait de son potentiel effet anti inflammatoire. Le patient devra être éduqué sur les risques d’une automédication par corticoïdes (6,7,8).
-La lumière pulsée (IPL) et la photo modulation (LLLT)
L’IPL est utilisée depuis 25 ans en dermatologie notamment pour ses effets anti inflammatoires, son efficacité dans le traitement des signes de rosacée cutané en on fait un traitement de choix et a permit de mettre en évidence son potentiel thérapeutique dans le traitement des signes oculaires associés (10 ). Son efficacité dans le traitement de l’acné semble être liée à un effet bactéricide et anti inflammatoire en influençant la libération de cytokines .
Son usage pour le traitement des blépharites postérieures est bien codifié, la régression fréquemment constatée de chalazions lors de ces traitements a donné l’idée à certains d’utiliser la lumière pulsée dans cette indication. Des résultats satisfaisants ont été obtenus après une à deux séances de 5 flashs espacées de 15 jours associées ou non à des séances de thérapie lumineuse de bas niveau (LLLT) (11,12). On peut noter également un effet thérapeutique potentiel sur le Demodex (13,14)
La photo modulation ou Low Level Light Therapy (LLLT) repose sur le principe d’une photo activation cellulaire pouvant être secondaire à une activation mitochondriale, une action sur les facteurs de croissance endothelial (VEGF) ou une action anti inflammatoire. Plusieurs études ont montré ses effets dermatologique et elle est actuellement proposée dans le traitement de l’acné, du psoriasis ou de cicatrices cutanées. Sa réalisation est simple, on applique sur le patient un masque recouvert de diodes émettant dans une longueur d’onde rouge et infra rouge, la durée d’une séance est de 15 minutes. Une étude récente réalisée sur des chalazions résistants à un premier traitement médical a permis de retrouver une efficacité de 46% après une séance et de 92% après 2 séances (15). Dans notre expérience les patients répondent souvent rapidement au traitement, ces séances sont associées aux soins des paupières et à un traitement local.
-L’infiltration du chalazion (injection de corticostéroïde )
L’injection de corticostéroïde dans la ou les lésions est une technique qui présente un taux de succès de plus de 60% après une injection et est proche de 90% en cas de deuxième injection (16). Ce taux de réussite est d’autant plus important que l’on parle ici d’un traitement de seconde intention réalisé après l’échec d’un traitement médical bien conduit. L’injection de 0,1 à 0,2 ml de Triamcinolone acétonide (40 mg/1 mL KENACORT) doit être réalisée de préférence par voie conjonctivale pour limiter le risque de dépigmentation plus fréquentes chez le sujet à la peau mate (17). Ce geste peut présenter des complications rares mais graves dont le patient doit être averti : perforation du globe avec lésion du cristallin, occlusion de l’artère centrale de la rétine (18,19). A noter, dans notre expérience et dans littérature ce geste ne semble pas provoquer d’augmentation de la tension intra oculaire.
-La Chirurgie
L’incision du chalazion doit être réservé aux cas résistants aux autres thérapeutiques, elle est le plus souvent réalisée en cas de prise en charge tardive. Elle doit respecter les plus possibles les glandes de Meibomus adjacentes à la lésion, on privilégiera une incision verticale, sous microscope opératoire après repérage soigneux de la lésion (Fig2 et Fig3).
Les complications sont rares mais potentiellement graves ( perforation du globe oculaire, arrêt cardiaque lors de l’injection d’anesthésiant , cicatrice exubérante (20,21,22,23)) son taux de succès est proche de 90%.
Fig 1 : cicatrice d’incision verticale, Fig 2 incision transverse responsable de l’atteinte de plusieurs glandes de meibomus .
Conclusion
Le chalazion est une pathologie fréquente dont les conséquences ne doivent plus être sous estimées. Elle peut être l’élément révélateur d’une pathologie meibomienne et est responsable d’une destruction glandulaire irréversible. C’est pourquoi l’ophtalmologiste ne doit pas déléguer le traitement au médecin généraliste, le patient doit donc po uvoir être vu en urgence pour bénéficier d’une prise en charge précoce et un bilan des glandes de meibomus comprenant une meibographie doit être proposé systématiquement.
Points clés
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La survenue d’un chalazion doit alerter sur un dysfonctionnement des glandes de meibomus.
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Une meibographie doit être proposée systématiquement.
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Il existe des alternatives au traitement chirurgical.
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La chirurgie des chalazions doit être respectueuse des glandes de meibomus adjacentes à la lésion
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11,Treating chalazion with IPL therapy
July 26, 2019
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